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Lettres d'amour

30 septembre 2011

L’éternité pour horizon

  Mon petit minou,

  Lorsque je t’ai rencontré, je m’en souviens encore très bien, c’était par une matinée maussade de janvier (mais comment aurait-il pu en être autrement dans ma Normandie natale ?). Tu étais assis un peu penaud devant ta console. C’était ton premier jour de travail. Qu’est-ce que tu étais beau vêtu de ta chemise blanche éclatante et de ta cravate bleu lavande, même si on se doutait un peu que tu étais habillé par ta maman ! Tu tapotais un peu maladroitement sur ton clavier. Le hasard t’avait placé à côté de ma maman que j’étais venue voir comme à l’habitude, dès qu’un creux entre deux cours me le permettait. Tu as rougi lorsque nos regards se sont croisés ! Qu’est-ce que tu étais chou ! Tu m’as fait l’effet d’un bébé que l’on a envie de prendre dans ses bras ! Afin de briser la glace, j’ai recherché dans l’annuaire quelques adresses d’agences en ville pour que tu te trouves rapidement un chez-toi définitif. Je t’ai quitté ce matin là en priant le ciel pour que tu sois encore libre.

  Et te souviens-tu quand nous avons fait l’amour pour la première fois ? Tu t’évertuais à rester insensible à mes avances. J’étais venue te prendre un soir à la sortie du travail avec ma petite « titine » pour t’éviter de rentrer à pied. Mais tu n’as pas vraiment compris que je tenais à toi. Franchement, je me suis dit que tu étais peut être homosexuel ! Il est vrai aussi que tu étais informaticien. Je gardais donc une petite lueur d’espoir tout au fond de mon cœur qui me disait de ne pas lâcher l’affaire. J’ai débarqué un soir chez toi, sous un vague prétexte (je crois que c’était pour t’apporter un câble d’antenne pour ta télé). Tu t’apprêtais à dîner : quelques pauvres raviolis réchauffés se retrouvaient agglutinés dans ton assiette. Cela m’a fait sourire. Durant notre premier tête-à-tête ce soir là, j’ai beaucoup parlé et toi très peu. Mais j’ai remarqué que tu ne baissais plus systématiquement tes yeux lorsque je les fixais… Cela m’a convaincu de persévérer. J’ai du feindre d’avoir froid aux pieds pour que tu oses enfin me toucher et que tu finisses par me prendre dans tes bras ! Et lorsque je t’ai proposé que l’on s’allonge dans ton canapé clic-clac, tu es revenu de la salle de bain… en pyjama !

  Nous nous sommes mariés neuf mois jour pour jour après notre rencontre. C’est moi qui t’ai demandé en mariage car, commençant à bien te connaître, je sentais bien que tu n’oserais pas franchir le pas. Cela restera le plus beau jour de ma vie. Je me remémore encore la surprise sur ton visage lorsque je me suis présentée devant toi à la sortie de la boutique de mariage. Tu m’as dit que je ressemblais à une princesse des mille et une nuits ! Il est vrai que j’étais à mille lieues de mon côté chipie mais je crois que tu adorais aussi quand je te surprenais. Tu avais quitté ton Alsace natale où tu avais laissé ta famille. Je t’ai présenté la mienne, t’ai fait découvrir la mer et les plages de Normandie peuplées de Parisiens couleur d’aspirine et t’ai appris à nager. Dire que tu as épousé une championne de natation, toi qui avais la phobie de l’eau !

  Nous avons vécu un amour où le mot deux n’existait plus. C’était un amour simple, simple comme les petites joies du quotidien. Nous ne nous posions pas de questions. Nous étions chacun comblés de bonheur lorsque nous pouvions faire celui de l’autre. Notre amour était simple parce que je crois qu’il était absolu. Il était un tout et se suffisait à lui-même. Il comblait nos désirs et nos besoins. Tout le reste n’était que futilité. Tu étais devenu moi et j’étais devenue toi. Qui était homme ? Qui était femme ? Ces questions n’avaient pas de sens : puisqu’il n’y avait pas de différence entre nous, il ne pouvait y avoir celle du sexe. Nous étions une seule et même âme scindée entre deux corps. Peu importe nos individualités, seul comptait notre désir de ne faire plus qu’un. Comment expliquer d’une autre manière ce sentiment diffus de toujours s’être connu ?

  Lorsque nous étions dans les bras l’un de l’autre, nous ressentions cette force qui, de tout temps, a uni les femmes et les hommes de cette Terre. Nous avions cette impression d’intemporalité, cette impression d’être de toutes les religions et de toutes les races, cette impression de venir dans la continuité de ce qui a toujours été. Nous étions tant faits l’un pour l’autre que j’ai l’impression que nous nous sommes déjà rencontrés dans des vies passées et que notre relation a pris le temps de se construire à travers plusieurs générations. C’est comme si notre relation était éternelle, renaissant sans cesse ailleurs dès que nos corps physiques avaient cessé d’être. Je le tiens pour certain, nous nous rencontrerons à nouveau un jour dans d’autres lieux et en d’autres temps. Il ne peut en être qu’ainsi car tu m’as appris ce qu’il y a de plus précieux dans une existence : tu m’as appris à aimer, tu m’as appris à aimer en ignorant les diktats de la raison, tu m’as appris à aimer absolument. Si je ne devais garder qu’un souvenir de toi, ce serait celui-là.

  Lorsque je te regarde aujourd’hui, je me dis que tu n’as pas vraiment changé. Tu as mûri (heureusement !) mais tu gardes toujours un peu de ta maladresse… et c’est peut être aussi pour cela que je t’aime toujours autant même si nous ne sommes plus ensemble. Et de ton côté, je le sais bien, tu me retrouves un peu dans le regard de chaque femme que tu croises. Et lorsque tu viens à ma rencontre au bord de cette mer que je t’ai appris à aimer, tu sais que je suis là quelque part. Ma force et ma rage sont dans chaque vague qui atteint le rivage. Et tu n’as plus à avoir peur d’avoir la tête prise sous une déferlante puisque c’est moi qui t’enveloppe de tout mon amour. Tu n’as plus à avoir peur de la vie sans moi puisque désormais je veille sur toi. Un jour viendra où nous nous tiendrons à nouveau la main. J’attends ces instants avec impatience mais rien ne presse. Lorsque Dieu nous aura à nouveau réunis, notre amour brillera de mille feux… pour l’éternité !

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